Traité théorique et pratique sur l'art de faire et d'appliquer les vernis, Pierre-François Tingry, 1803, 195-202.
Ceux qui ont vu en détail les laboratoires consacrés à des cours de chimie, se formeront une idée assez nette de la construction de ce fourneau en se rappellant celui qui sert à la separation du sulfure d'antimoine de sa gangue. Mais pour le faire servir à l'objet dont il est ici question, il faut quelques correcrions à l'aide desquelles on suit sans inconvénient la liquéfaction des résines solides et même leur mélange avec les huiles siccatives.
Ce fourneau dont on voit la coupe fig. 1e. planche 4e. peut être construit en entier de terre cuite en practiquant trois grandes ouvertures à la chambre inférieure A qui remplace le cendrier dans les fourneaux ordinaires. Ces ouvertures se terminent en cintre à la base de la chambre supérieure B ou foyer. La disposition de cette base doit être telle, rélativement aux ouvertures cintrées, que les piliers qui partent du fond et qui se terminent en arcades aient le moins de largeur possible, afin de laisser à l'Artiste toutes les facilités convenables pour l'extraction de la matière liquéfiée, ou même pour son mélange avec l'huile siccative, si on tient toujours à ce genre de Vernis.
La chambre supérieure B ou le foyer du fourneau est séparée de la partie inférieure A par un fond ou plancher qui remplace la grille des fourneaux ordinaire-. Ce plancher a dans son milieu une ouverture circulaire dont le diamètre est correspondant à celui d'un creuset C qu'il doit recevoir et qui se prolonge très-avant dans la partie infèrieure. Ce plancher peut faire partie du fourneau, ou bien il est amovible. Dans ce dernier cas, on le supporte par le moyen de 3 éperons, ou par un filet circulaire faisant saillie dans l'intérieur au niveau des cintres. Dans mon fourneau cette séparation est composée d'une feuille de tôle recouverte d'un enduit de terre à poterie, d'un pouce d'épaisseur. Cette dernière précaution est indispensable, pour écarter la chaleur de la pièce inférieure A.
Les parois latérales de ce foyer B sont percées de trous d'un pouce de diamètre (2,7 centim.) et séparés les uns des autres par des intervalles d'environ 3 pouces (8,1 centim.) Ces ouvertures suffisent pour fixer le développement du calorique (de la chaleur) au point convenable à ce genre d'opération. Je donne ici en note les proportions des trois parties de ce fourneau qui a servi à mes essais et dans lequel j'ai liquéfié six onces de copal dans l'espace de 10 minutes, sans altérer sa coûleur d'une manière trop sensible. (m)
(m) Hauteur totale du fourneau - - - - - 17 1/4 pouces (4,7,3 décim.)
Hauteur de la chambre inférieure A y compris la base qui a 1 pouce d'è- paisseur - - - - - 11 pouces (2,9 décim.)
Hauteur de la chambre supérieure B soit du labo- ratoire - - - - - 5 1/2 pouces (1,4,3 décim.)
Diamétre pris du bord supérieur et intérieur du foyer B - - - - - 9 1/2 pouc. (2,5,8 décim.)
Diamétre de la même pièce pris au niveau du plancher - - - - - 7 pouc. (1,8 decim.)
Cette partie a 2 pouces et demi de retraite et elle exprime le diamètre de toute la partie inférieure du fourneau A.
La forme du creuset C est fort bien représentée par celle d'un cornet à jouer aux dés dont on auroit supprimé le fond. Ce creuset a de de longuer 9 1/2 pouc. (2,5,8 décim.)
Son diamètre
supérieur 4 1/2 pouc. (1,2,1,5 decim.)
inférieur 2 1/2 pouc. ( 6,3,5 centim.)
Le crible D de figure conique a le même diamètre que la partie supérieure du creuset et se prolonge jusqua'à la naissance du plancher de séparation.
On place le creuset C dans l'ouverture pratiquèe au milieu du plancher de sèparation, de manière à ce qu'il s'élève de 3 à 4 pouces dans le foyer. On garnit d'un lut de terre détrempée son point de réunion avec le plancher, pour obvier à la chûte des cendres ou des petits charbons.
Cette disposition achevée, on place dans le creuset une espèce de crible D (voyez figure 2) fait d'un treillis de laiton, d'un tissu rare. On donne à ce treillis la forme d'un entonnoir dont le bord est assujetti autour d'un cercle de fil de fer ou de leton, portant le même diamètre que la partie supérieure du creuset C. La retraite qu'éprouve le creuset C dans sa forme concourt à la stabilité de cette espèce de crible, de même que la forme conique bien prononcée de cette dernière pièce la met à l'abri des contacts avec la partie latérale du creuset, objet important pour préserver le copal d'une trop grande altération.
On met alors sur ce filtre métallique le copal en morceaux de la grosseur d'une petite noisette et en divers fragmens au dessous de cette grosseur, et on recouvre le tout d'un couvercle de fer E d'un pouce d'épaisseur, ayant soin garnir la jointure d'un lut de terre détrempée pour ôter toute communication avec l'air extérieur.
D'un autre côté, on reçoit dans une soucoupe peu profonde F (voyez figure 3) et remplie d'eau, la partie inférieure du creuset C, de manière à ce qu'elle plonge dans l'eau de deux à trois lignes (6,7 millimètres).
On remplit le foyer B de charbons allumés jusques par dessus le couvercle de fer. La premiére impression du calorique (de la chaleur) sur le copal s'annonce par une espèce de pétillement résultant de la dilatation qui le réduit en petits éclats. Ce bruit est un précurseur trés-voisin de la liquéfaction: elle a lieu en effect bientôt aprés. Alors on insinue sous le cylindre une petite palette de fer terminée par une queue coudée, et on lui donne le mouvement convenable pour précipiter sous l'eau la partie liquéfiée du copal et pour la ramener sous l'état solide vers les bords de la soucoupe. L'opération achevée, on expose le copal sur des linges secs, ou sur des papiers san colle pour le ressuer; on le pile ensuite et on l'expose à une douce chaleur, pour lui faire perdre toute son humiditè.
Pendant la coulée du copal, il se sépare une trés-légère portion d'huile qui reste fluide aprés l'opération. Elle nage sur l'eau ainsi que le copal, et donne à celui-ci un coup-d'oeil gras. Mais lorsque le cylindre est assez prolongé, on peut se dispenser de la faire plonger sous l'eau et même de recevoir la matière dans l'eau; mais il s'échappe une fumée qui peut déplaire à l'Artiste. Le point essentiel c'est de ménager le feu pour ne pas altérer la couleur du copal. On reconnoît que le feu est trop vif, lorsqu'il sort une fumée trés-épaisse par l'ouverture inférieure du creuset; que celui-ci est bien rouge, et que les gouttes qui tombent dans l'eau s'élèvent en vessies et font de petites explosions.
J'ai réussi à composer le Vernis à l'huile grasse dans la même opération, en remplacant l'eau par l'huile siccative bouillante, et en l'entretenant dans cet état par le moyen d'une masse de fer trés-chaude qui lui servoit de support. On facilite le mélange de la matiére liquéfiée par le moyen d'une spatule coudée; et aprés on ajoute l'essence bouillante. On sent l'inconvénient qu'il y auroit de placer sous l'appareile même, une huile volatile et trés-inflammable.
J'insisterai toujours plus, sûr sur la liquéfaction isolée du copal, que sur la possibilité de compléter son mélange avec une huile siccative, pour en faire un Vernis de 5e. genre. Ce nouveau moyen met l'Artiste à même de composer un Vernis trés-solide, trés-peu coloré, et de se passer de celui de copal à l'huile siccative dont la composition exige des procédés qui altèrent les qualités essentielles de la substance qui en fait la base. J'entrevois l'époque où l'Artiste dégagé de tous les préjugés de routine se bornera à l'emploi du Vernis dont je donne ici la formule comme plus propre que celui du 5e. genre à répondre à la célérité du travail de l'impression, et aux vues qu'on se propose, quant à la netteté et à la solidité du Vernis.
Pour le travail plus en grand, les dimensions de ce fourneau peuvent changer; mais il convien- droit alor d'étabilr le foyer proprement dit, sur une espèce de trépied de fer comme il est représenté en G fig 4e.; afin de laisser plus d'aisance au manipulateur; mais j'insisterai toujours sur l'avantage de ne travailler que sur des doses de 4 et de 6 onces (environ 183,43 grammes) la facilité de remettre de la matiére, lorsque le couvercle joint trés-bien, prononce sur la préférence qu'on doit donner aux petites doses sur les grandes; le copal se trouve moins altéré. On peut, dans ce cas, se servier d'un cylindre métallique qui se joigne à recouvrement avec le couvercle. Alors le même feu pourroit servir à deux ou trois coulées.
On sentira les avantages précieux qui sont attachés à cette nouvelle méthode, lorsqu'on aura fait l'essai des Vernis à l'essence qui en résultent. Le copal ainsi préparé, a des propriétés différentes et plus étendues que celles qu'on lui donne par la méthode ordinaire; et il n'a pas la couleur foncée et brune qu'il prend à une température trop élevée et trop prolongée. Plongé ici dans une atmosphére de calorique (de chaleur), il n'en reçoit l'impression qu'a la surface qui, cédant bientôt à la puissance de cet agent, échappe, sous l'état liquide, à la continuation de son action; de nouvelles surfaces subissent successivement le même effet, et on obtient pour résultat final un copal le moins altéré possible, et qui ne peut avoir subi qu'une légère modification dans les principes de sa composition: on a diminué seulement la force de liaison qui existoit entre ses parties et qui mettoit un si grand obstacle aux solutions qu'on cherchoit à opérer. Enfin, il est possible de composer des Vernis gras au copal, presque sans couleur, en se servant d'une huile peu colorée, comme celle d'oeillets, préparée dans les vases de plomb, selon la méthode de Watin.
De même aussi ce copal, simplement modifié, peut augmenter la solidité des Vernis à l'alcohol d'une manière plus directe que losqu'on l'employe san préparation préliminaire. Une seconde liquéfaction lui donneroit pent-être la propriété d'être soluble en plus grande quantité dans l'alcohol; mais il seroit à craindre que l'altération dans ses principes, pousée plus loin, ne lui donnat aucune supériorité sur les résines les plus solubles dans ce liquide. Je terminerai tout ce qui a rapport avec ce 4e. genre de Vernis par l'exposé des expériences que j'ai faites en appliquant notre copal, ainsi préparé, aux véhicules les plus en usages.